édition Albin Michel - 146 pages.
Mon second avis dans le cadre du prix Confidentielles
Extraits (ils valent mieux qu'un long discours) :
J'ai douze ans, et ce soir, je serai morte.
Il n'y avait qu'avec mon grand-père que je n'avais peur de rien.
Ce soir-là, en éteignant la lumière, j'ai pensé pour la première fois qu'il serait doux de le rejoindre.
Septième participation au Challenge Psy organisé par Métaphore.
Mon avis :
J'ai beaucoup aimé ce livre - je sens que ce commentaire lapidaire ne va pas beaucoup vous aider.
Dès la première ligne, l'enjeu est donné : la toute jeune narratrice, âgée de douze ans, tente de se suicider et met tout en oeuvre pour réussir ce qu'elle a entrepris. Nous sommes dans les années soixante, ces années où le bonheur peut se résumer à la réussite matérielle et à l'ambition qu'ont les parents que leurs enfants auront une vie meilleure - en l'occurrence, leurs deux filles. Dans ce contexte, la "petite" ne peut rien dire des tourments qui l'habitent, tout simplement parce que personne ne peut la comprendre. La seule personne qui aurait pu le faire est morte, et même de cette mort, la "petite" a été dépossédée, puisqu'elle a été tenue à l'écart. En voulant la protéger, comme on le faisait à l'époque (et comme certaines familles le font toujours), ses parents ont nié la possibilité de sa douleur et l'ont mise à l'écart. Elle est et restera "la petite".
Le livre est aussi l'occasion de nous dresser un instantanée des enseignants de cette époque, pas même de manière satirique, non un constat devant des formules
toutes faites et une impossibilité à se remettre en cause. Effrayant, mais juste, y compris quand j'étais élève. Les psys ne sont pas mieux lotis. L'une n'est que curiosité devant la petite
suicidaire : pourquoi veut-on mourir si jeune ? Elle trouble ses statistiques tandis que sa camarade de chambrée n'est qu'une délaissée de plus - qu'un chiffre sans intérêt. La deuxième psy est
bien plus compréhensive, sans doute parce qu'elle écoute sa jeune patiente avant de l'analyser - le B-A Ba.
Présenté ainsi, vous pourriez croire que le livre sonne comme daté. Il n'en est rien, la souffrance est intemporelle, ce sont les manières de réagir qui ancrent ce texte dans un contexte particulier. L'écriture, limpide, précise, fait que je n'ai pas vu passer ses presque 150 pages - le temps d'une renaissance ? La "petite" est presque trop lucide dans ce texte, et j'aime à penser qu'il s'agit là d'un texte rétrospectif, et donc la preuve qu'elle s'en est sortie - définitivement.