éditions François Bourin - 570 pages :
Circonstances de lecture :
J'ai reçu ce livre grâce à BOB et aux éditions François Bourin. Merci à eux pour ce partenariat.
Mon avis :
Le récit de voyage est un genre à part entière dans la littérature. Les tous premiers furent sans doute Le livre des merveilles de Marco Polo ou Histoire d'un voyage fait en terre du Brésil de Jean de Léry. Le but était alors de faire découvrir aux européens des contrées inconnues.
Au XIXe siècle, le récit de voyage redevient à la mode. Tout jeune homme bien né se devait de faire le voyage en Italie - Théophile Gauthier s'en fera l'écho dans Arria Marcella. En tant qu'auteur, il voyagera lui-même beaucoup, écrivant un Voyage en Espagne, un Voyage en Russie, et autre Italia, dont la rédaction servait en partie à financer le voyage.
Victor Hugo choisit le Rhin, autant dire que la destination peut étonner dans ce contexte. Il écrit de longues lettres (trente-neuf en tout), très littéraire, et très travaillées : la volonté de publication est bien présente, le lecteur ne fait pas intrusion dans une correspondance privée publiée après coup.
Ce qui surprend à notre époque est la lenteur du voyage. Nous n’avons plus l’habitude d’attendre les diligences, ou de patienter quelques heures dans une modeste ville de province une correspondance vers l’étape suivante. Surtout, ce qui nous préoccupe dans un voyage est la destination, non le trajet, et nous n’y accordons plus aucune importance. Ce n’est pas le cas de Victor Hugo. Où qu’il s’arrête, il décrit les monuments, si modestes soient-ils, qu’il découvre, retrace l’histoire de la ville et de ses habitants marquants, tout en étant attentif aux petites gens qu'il croise. Conteur, il s'intéresse aux légendes, il consacre même à l'une d'elle une lettre entière (la lettre 21).
Dans ce récit de voyage, je n’avais pas de repères actuels (je connais peu cette région) et cela m’a sans doute manqué pour mettre des images sur les mots. Pourtant les images ne sont jamais loin car Hugo reste un poète, même quand il choisit la prose. Les figures de style comme les gradations (j’éprouvais le besoin de sortir de la ville, de respirer, de voir les champs, les arbres, les oiseaux) ou les antithèses (pas une grille qui ne soit rouillée là où elle a été dorée)donnent de la force à ce discours. Hugo est déjà un écrivain engagé : il dénonce, la brutalité ou l'indifférence dont il est témoin, l'abandon dans lequel notre patrimoine est laissé (ceci ne dérangeait pas beaucoup en 1838).
Le Rhin n‘est pas un paisible carnet de voyage, le texte est particulièrement riche et varié. A ce titre, je vous conseillerai de fractionner sa lecture, afin de mieux l'apprécier .