Titre : Les leçons du mal
Auteur : Thomas H Cook
Editeur : Seuil.
Quatrième de couverture :
Jack Branch est un fils de bonne famille, professeur dans le petit lycée de Lakeland, Mississippi. Très impliqué dans son métier, soucieux de justice dans un pays encore marqué par la guerre de Sécession, il se prend d’affection pour un élève taiseux et renfrogné du nom d’Eddie Miller. Eddie se tient à l’écart de la communauté, résigné, écrasé par le poids de son ascendance : il est le fils du « tueur de l’étudiante », mort en prison quinze ans plus tôt. Le mal se donne-t-il en héritage ? Peut-on sauver les gens d’eux-mêmes ?
Pour libérer Eddie de son fardeau, Jack lui suggère de mener une enquête sur son père. Le maître et l’élève découvrent peu à peu in monde où le bien et le mal se confondent, chargé de violence et de mirages : un monde de ténèbres.
Circonstance de lecture :
Je fais partie du Jury Babélio/Seuil cette année ! Autant vous dire que je suis ravie d'avoir été choisie. J'espère juste parvenir à mener à bien mes lectures et la publication de mes avis. J'ai trois jours de retard pour ce livre....
Mon avis :
Je me suis sentie assez mal à l’aise en débutant la lecture de ce roman parce que je trouvais assez antipathique la personnalité du narrateur. Jack Branch, sous couvert d’enseigner à ses élèves, éprouve une fascination pour les monstruosités commises par les humains qui m’a rebutée. Inlassablement, lors des premiers chapitres, il reviendra sur ses sujets de prédilections, et livrera par le menu le détail de ses cours. Il est difficile de trouver un personnage plus satisfait de lui-même. Son style ampoulé, emphatique, bourré de comparaison montre bien la suffisance du personnage qui se sent investi d’une mission et devenir le mentor d’un jeune étudiant lui permet d‘accomplir son rêve.
Nous sommes dans un état du Sud, en 1954, et plus encore que la seconde guerre mondiale, c’est le souvenir de la guerre de Sécession qui hante la ville. Jack est issu d’une grande famille, qui a encore tout son prestige dans la région. Il est blanc, il jette donc son dévolu sur un jeune homme noir, qui est son exact opposé. Eddie Miller n'a pour seule famille que sa mère, son père, meurtrier, a été lui-même assassiné en prison (pourtant personne ne lui donne le statut de victime). Si je devais résumer les faits, je dirai qu'Eddie a reçu l'oppobre en héritage, alors que Jack a tout. La transmission est au coeur de ce roman, et sous couvert d'aider Eddie à se débarrasser de son encombrante hérédité, Jack veut redorer avec orgueil le prestige de sa famille.
Quel contraste forme-t-il avec le vieil homme qu'il est devenu, conscient de son outrecuidance passé, et de son aveuglement. Le roman joue avec les clichés, pour mieux nous surprendre (ou nous décevoir, cela dépend si vous êtes ou non un fanatique des romans à intrigue). J'ai cru être sur la piste d'un erreur judiciaire - pas du tout. Très rapidement pourtant, nous comprenons qu’un drame a bien eu lieu. Jack nous donne même l'identité des coupables - et des survivants. Il ne reste plus au lecteur qu'à ce se demander qui a pu être la victime - et même là, les indices que nous laisse Jack sont suffisamment nombreux. Les décennies ont beau séparer le temps du récit et le temps de l’écriture, tout semble s’être figé après le drame, comme s’il n’avait pas seulement ôté l’avenir des victimes, mais celui de toutes les protagonistes de l’affaire.
Tout le suspens tient donc dans le comment et le pourquoi. Aussi, comme son père avant lui, auteur d'une biographie de Lincoln inlassablement corrigée, Jack Branch effectue un travail d’historien, ce travail qu’Eddie voulait entreprendre. Il reconstitue méticuleusement les faits en citant les minutes du procès, ou des extraits du devoir d’Eddie. Il n’est ni coupable, ni victime, juste un témoin, au même titre que les autres mais un témoin qui n‘a pas oublié qu‘il a été enseignant (un bon, comme son père lui dit-on souvent) et qui veut transmettre, comme tout bon enseignant.
Un conseil : ne ratez pas l'ultime page du roman.