La roulotte de Syl repasse par ici. Je prends le relais de Cécile, qui m'a donné les mots peur, liberté, beauté,
dieu, pluie diluvienne à insérer dans cet épisode. Le voici :
- Du calme, du calme.
Un homme se détacha du groupe. Il paraissait assez âgé. Son visage était marqué de rides profondes, pourtant il se dégageait de son regard une infinie douceur.
- A moins que les pouvoirs de Clarence n’aient accru de manière considérable, il ne serait pas capable de métamorphoser ainsi les membres de sa milice. Je suis Perceval de Sermisy, prince des
Soricis. Vous êtes ici sur notre territoire, sur lequel règne ma fille, la reine Cressilda. Qui êtes-vous ?
Sylphide s’avança, prête à prendre la parole, quand Zlatan l’arrêta d’un geste. Sylphide frémit. Et si tout ceci n‘était qu‘un guet-apens ? Si ces mystérieuses créatures n’étaient autre que des
alliés des arachnéens ? Elle braqua sur lui son arquebuse miniature.
- Sylphide, lui sussura Zlatan, crois-tu vraiment qu’il soit nécessaire de montrer notre manque de cohésion ?
- Excusez-moi, dit le prince des chauve-souris en toussotant. Cette jeune femme, dit-il en désignant Cathy, toujours inconsciente, me semble mal en point. Ne serait-il pas mieux de la transporter
au palais ? Il est tout proche et très vaste.
- Majesté…. commença un des gardes, plus grand et plus musclé que les autres. Le crâne rasé, marqué de tatouages, le nez cassé, les yeux brillants d‘un regardé halluciné, il semblait ne faire
qu’un avec son arc.
- Toby, je sais que vous souhaitez uniquement protéger mes filles et mes petits-enfants. Je sais aussi que vos hommes risquent d’être pris de crampes. Quelle que soit leur capacité de
concentration, j’ai peur qu’une flèche ne parte par accident. Et là, Toby, je ne saurai comment expliquer à ma fille aînée que nous avons maladroitement transpercé … des
visiteurs pendant notre promenade. Je n’ai toujours pas entendu votre nom, s‘enquit-il auprès de Zlatan.
- Je suis Zlatan, roi des arachnéens, et cette jeune femme est Cathy-Rose de Plessis, reine des Lepidopteranus.
- J’ai toujours cru que l’existence de ces deux espèces était une légende, s‘exclama Perceval. Ne me dites pas que nous assistons à sa métamorphose ? Dépêchez-vous, formez un brancard et
téléportez-vous jusqu’au palais. Le ciel se couvre et je crains qu’une pluie diluvienne ne s’abatte sur nous.
- Nous n’abandonnerons pas notre reine, s’exclama Gaston.
- Qui vous parle de l’abandonner ? Vous aussi, vous allez vous téléporter avec nous. Prenez-ma main et partons ». Il joignit le geste à la parole, et ils disparurent tous les deux, bientôt suivis
par les gardes, emportant Cathy et chacun des membres de l’expédition.
Quand Cathy se réveilla, le lieu dans lequel elle se trouvait était plongé dans une semi-obscurité. Un instant, elle se demanda dans quel lit elle se réveillerait, quels draps la
berceraient. Elle ouvrit les yeux et s’aperçut qu’elle lévitait au-dessus du lit.
- Grâce à Dieu, elle s’est réveillée.
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Le cri sortit de la gorge de Cathy. Elle battit des bras frénétiquement, avant de retomber sur le lit.
- Ne craignez rien Livia. Nos literies sont moelleuses et solides.
Cette petite voix aigüe lui était inconnue. Cathy tourna la tête dans sa direction. Une femme était assise dans un fauteuil. Elle semblait petite, et très maigre. Elle portait une grande robe
sombre et brillante, ses cheveux étaient ramassés en un ample chignon. Comment pouvait-elle supporter d'attendre ainsi dans le noir ?
La jeune femme se leva et s’assit sur le lit. Pourquoi Cathy était-elle étonnée ? Ce qu’elle avait pris pour de
longues manches bouffantes étaient en réalité des ailes repliées.
- Je puis les rendre invisibles si je le veux, mais je n’ai pas envie de gaspiller une précieuse énergie. Nous sommes en guerre nous aussi. Cressilda de
Sermisy, reine des Soricis, fille de Perceval de Sermisy et de feue la reine Margareth de Soricis. Je ne saurai dire à quel point je suis heureuse de faire votre connaissance. Quand j’étais
enfant,
mon père nous racontait à Cassidie et moi la légende de votre peuple. Dire que ce conte est une réalité ! Je regrette que ma mère ne puisse le voir. Ne vous
fatiguez pas, vous venez de vivre une épreuve particulièrement douloureuse.
- Vous êtes pourtant restée évanouie peu de temps, murmura Livia. Jamais un Lepidopteranus ne s’est métamorphosé aussi vite, ni n’avait obtenu de tels pouvoirs. Je vais vous servir un verre
d’eau. Vous devez vous réhydrater.
A murmurer ainsi, Livia inquiétait fortement Cathy. L'épreuve avait donc été aussi atroce ? Elle n'en gardait aucun souvenir.
- Notre peuple a un avantage sur le vôtre, reprit Cressilda. Nous ne subissons pas de métamorphose. Nous vivons un apprentissage assez long et difficile du vol - ma sœur a usé la patience de
presque toutes ses gouvernantes, sans compter ses professeurs et nous avons dû revoir l‘élasticité du plafond.
- Où sont les miens ? murmura Cathy. Livia était à ses côtés, elle ne semblait pas prisonnière. Cette obscurité la faisait frissonner.
- Ils sont dans l’antichambre, près à entrer dès que vous le souhaiterez.
- Gaston et Dominique montent la garde, précisa Livia
- Ils se seraient battus pour savoir qui prendraient le premier tour de garde, précisa Cressilda. Je les ai donc départagés en leur disant qu’ils n’avaient qu’à vous protéger en même temps. Si
j’écoutais Toby, le chef de mes gardes, je vous priverai de liberté, je vous soumettrais à mes pouvoirs magiques afin de vous faire avouer je ne sais quel secret ou je vous
forcerais à retourner d’où vous venez. Je tiens à préciser que si Toby s’inquiète autant pour moi, c’est qu’il est aussi mon mari et, bien entendu, le père de mes deux enfants.
Livia tendit le verre d’eau à Cathy, qui tendit aussitôt la main. Surprise, la jeune fille la regarda comme si cette main lui était étrangère. A la clarté des bougies, elle crut que ses doigts
s’étaient affinés et que ses ongles étaient devenus plus fort, comme si elle s’était offert une manucure grand luxe. Cressilda claqua des doigts et la pièce s’illumina.
- Nous aussi, nous savons user de la magie.
Cathy retint un cri de terreur. Les yeux de la jeune reine étaient blancs, striés de fines veines rougeâtres.
- Je suis désolée de vous infliger ce spectacle, dit-elle, amère. Je m’y suis habituée et en dépit de l’état de mes yeux, je vois. Personne ne veut me croire, pas même mon garde du corps de mari,
tellement chef de mes gardes qu’il n’a plus le temps d’être mon mari.
- Comment est-ce arrivé ? demanda Cathy.
- Difficile à dire, je suis née ainsi. Personne dans notre famille n‘est affligée de cette malformation, pas même mon cousin Clarence. Il a fomenté une rébellion contre moi et m’a envoyé
un tueur. Je le lui ai renvoyé, ligoté, bâillonné et empaqueté par mes soins. Il a pu témoigner de la vivacité avec laquelle je l’ai
maîtrisé. C’était bien mieux que de le tuer. Dire que Clarence n’est que le moindre de mes soucis, soupira la reine des Soricis .
- Puis-je les faire entrer, demanda Livia.
- J’aimerai avant, demanda timidement Cathy, me regarder dans un miroir.
- Impossible, dit la reine. Nos ennemis nous espionnaient grâce à eux, et ni moi ni nos mages n’avons encore trouvé de moyens de détruire ce sortilège.
- Alors faites entrer… tout le monde.
Les portes s’ouvrirent. Dominique et Gaston entrèrent les premiers, Aaron et Zlatan leur emboitaient le pas, suivis de
Marat, Elena, Jade, Eydan et Alex, qu’entouraient quatre hommes chauve-souris. Cathy ne put s’empêcher de frémir devant la laideur de l’un d’entre eux. Il était
plus grand que les autres, particulièrement musclé et ses yeux charbonneux semblaient lui lançaient des éclairs . Était-ce pour se rendre plus effrayant ? Son crâne était
entièrement rasé et couvert de tatouages. Contrairement aux autres qui se tenaient à distance respectueuse, il s’approcha de la reine et se plaça près d’elle, protecteur. Cathy comprit sans peine
qu’il devait être le dénommé Toby. Peut-être sa laideur était-elle correspondait-elle aux critères de beauté des soricis. Que pouvait-elle en dire ? Devant elle, les arachnéens
la regardaient avec des yeux exorbités. A croire qu’au lieu de s’être métamorphosé, il lui était poussé un bouton sur le nez. Elle en était là de ses sombres réflexions quand elle entendit la
reine des chauve-souris s’éclaircir la voix et déclarer :
- Moi, Cressilda Margareth de Sermisy mettra tout en œuvre pour aider les Lepidopteranus et les Arachnéens dans leur
quête.
La suite la semaine prochaine... Je laisse à Liliba les mots suivants
:
citrouille, bougie, faim, rivière et franchise