Titre : Et Nietzsche a pleuré.
Auteur : Yrvin Yalom.
Editeur : Le livre de poche.
Nombre de page : 512.
Merci à Thot, au forum Partage-Lecture et aux éditions Le livre de poche pour ce partenariat.
Quatrième de couverture :
Venise, 1882. La belle et impétueuse Lou Salomé somme le Dr Breuer de rencontrer Friedrich Nietzsche. Encore inconnu du grand public, le philosophe traverse une crise profonde due à ses relations orageuses avec Lou Salomé et à l’échec de leur ménage à trois avec Paul Rée. Friedrich Nietzsche ou le désespoir d’un philosophe. Le Dr Breuer, l’un des fondateurs de la psychanalyse. Un pacte secret, orchestré par Lou Salomé, sous le regard du jeune Sigmund Freud. Tout est là pour une magistrale partie d’échecs entre un patient extraordinaire et son talentueux médecin. Mais qui est le maître ? Qui est l’élève ? Qui soigne qui ? Et c’est à une nouvelle naissance de la psychanalyse, intense, drôle et machiavélique, que nous convie Irvin Yalom. Un roman à découvrir absolument.
Mon avis :
Et Nietzsche a pleuré se présente comme un roman, pourtant il n’en est pas totalement un. Si les événements racontés sont tous imaginaires (la psychanalyse n’est pas née ainsi, néanmoins j’ai très envie maintenant de lire un ouvrage sur l’histoire de la psychanalyse), les personnages, eux, furent des personnes réelles, et si nous avons tous entendu parler de Nietzsche et de Freud, Lou Salomé et le docteur Breuer peuvent être de parfaits inconnus. Les extraits de lettres authentiques viennent renforcer cette illusion de réel.
L’action commence à Venise, ville historique, ville sur laquelle les clichés abondent. C’est là que se tient une rencontre qui n’a rien d’amoureuse, mais dans laquelle la séduction a une place prépondérante. Lou Salomé charme le docteur Breuer, et charme le lecteur, qui aurait envie d’en savoir davantage sur cette femme et sur ses véritables motivations. Le contraste avec le retour à la vie quotidienne, très routinière du docteur n’en est que plus grand.
Bien plus que le philosophe Nietzsche qui donne son nom au roman, le docteur Breuer est le personnage central de ce livre car son point de vue est adopté tout au long du récit. L’auteur semble ainsi tenir compte du fait que le narrateur doit être un personnage quasiment neutre, ordinaire, afin de laisser toute la place au héros. « Ordinaire » certes, mais le docteur est rempli d'interrogations sur le vieillissement, la mort, et ce qu'il laissera après sa mort. Il se décrit de manière réaliste - son autoportait est particulièrement intéressant.
Les personnages secondaires sont peu nombreux, mais ils hantent le roman, obsèdent les personnages principaux et laissent une empreinte sur ces deux protagonistes. Ce sont des figures féminines, qu’elles soient épouse (Martha), mère (Bertha Breuer), sœur, maîtresse idéalisée ou honnie (Bertha Pappenheim et Lou Salomé). Leur rôle est toujours défini par rapport à un homme Même la si libre Lou ne se définie tout d'abord que par son inquiétude pour un homme.
Entre les chapitres huit et neuf se situe le tournant de l’œuvre. Si vous aimez les affrontements intellectuels, et non les grandes bagarres pleines de sang et de blessures dégoulinantes, vous ne serez pas déçu. Chacun fourbit ses arguments afin de convaincre l’autre, et chacun croit avoir remporté la victoire. Commence alors non la thérapie, mais le cheminement vers une méthode de thérapie. Les rêves et leurs interprétations sont un des moyens utilisés pour tenter de guérir le philosophe. A ce compte, qui guérit véritablement qui ? Les extraits de carnets, proposés en fin de chapitre, renvoient dos à dos leurs interprétation, toutes deux erronées.
La structure du roman est très épurée. Une unité de lieu est perceptible : le cabinet du docteur, sa clinique, son domicile sont les lieux principaux du roman. Quant à l’action, elle s’articule en deux axes. Le premier consiste à trouver les moyens de soigner Nietzsche. Si la dimension psychique n’est pas absente, l’intérêt se concentre autour des souffrances du malade, de son examen physique, narré de manière concrète, des traitements qui ont déjà été subis. Je tiens à vous rassurer néanmoins : le lecteur n’est pas assommé par le vocabulaire technique. Le style est très lisible. Quant à l'hypnose, il met en abîme le processus créatif du romancier, puisqu’il inclut un récit biographique fictif à l’intérieur d’un récit biographique tout aussi fictif. J’ai trouvé que cette partie était la plus faible du roman, car l’auteur laisse libre cours à son imagination, et s’en tire par une pirouette.
Sans dévoiler la fin, je dirai qu’elle est trop abrupte (trente ans de vie résumé en un paragraphe), par rapport à la richesse de tout ce qui a été évoqué dans le roman.