Titre
:L'affaire Protheroe.
Auteur : Agatha Christie.
Éditeur : Le masque.
Nombre de pages : 220.
Quatrième de couverture :
Quand on découvre le colonel Protheroe tué d'une balle dans la tête dans le bureau du presbytère, le pasteur a déjà sans doute une idée sur l'identité possible de l'assassin ou, en tout cas, sur un mobile vraisemblable. N'assite-t-il pas au thé hebdomadaire de sa femme où s'échangent potins et cancans ? il sait déjà que la victime avait un caractère de cochon, ou qu'elle avait eu une prise de bec avec le Dr Stone, que sa fille soupirait après le moment où sa mort lui offrirait enfin la liberté, que le peintre qui voulait faire le portrait de ladite fille en maillot de bain en voulait au colonel parce qu'il l'avait jeté dehors. Et tenez, même le pasteur, qui raconte l'histoire, avait des raison de se plaindre : le colonel ne venait-il pas vérifier les comptes de la paroisse ?
Mon avis :
Je poursuis mon approfondissement de l'oeuvre d'Agatha Christie avec la toute première enquête de Miss Marple. Un peu plus, et elle aurait pu s'appeler Miss Marple entre en scène. Elle n'a pas encore paru dans le roman, que déjà, au presbytère, il est question d'elle. La vieille dame n'est pas montrée sur un jour très favorable par le pasteur et son épouse. "La plus mauvaise langue du village", "la plus dangereuse des deux", "Miss Marple voit toujours tout, "elle surveille son monde" sont les gentillesses dont elle est gratifiée, bien peu charitablement. Un peu comme Hercule Poirot, Miss Marple divise, inquiète. Il faut dire que le pasteur a la chance d'être son voisin direct, et que passer devant chez Miss Marple, c'est "longé [...] un champ de mines".
Pourquoi tant de méfiance ? Parce que ce pasteur, qui n'est autre que le narrateur du roman, a une faiblesse : son amour passionnée pour sa femme. Griselda, de vingt ans sa cadette, détonne au village, et il craint plus que tout non seulement les commentaires, qui pourraient être faits, mais surtout que sa femme ne soit tentée par un autre homme, plus jeune, plus beau, un homme qui serait très différent de lui. Il est touchant, car jamais il ne cherche à contraindre la fantasque personnalité de sa femme, jamais il ne se montre jaloux. Ses plus grands défauts sont sa naïveté et son honnêteté - vous reconnaîtrez qu'il y a pire.
Naïveté, car le coupable va se servir de lui - en toute impunité. Honnêteté, car c'est le pasteur qui découvre le cadavre, et il ne nous a pas caché qu'il estimait que la mort de Protheroe rendrait un fier service à tout le monde. Le colonel n'apparaît que dans une scène mémorable avant sa mort, seuls les souvenirs et les récits des autres personnages. Il apparaît comme un homme sûr de lui, sûr de son sens de la justice (je le qualifierai d'impitoyable), et extrêmement borné. Il a fait l'unanimité autour de lui : ni sa femme, ni sa fille ne le regrette. Autant dire que les suspects sont légions, et que ce n'est pas avec la personnalité de l'inspecteur Flem, tout aussi imbu de sa personne que de ses méthodes, que l'enquête pourra être sereine. Il va révéler au cours de l'enquête une certaine combattivité, et peu de réflexion.
Mais revenons à Miss Marple. Très vite, elle prend part à l'enquête, ce qui est normal puisqu'elle est une des principales témoins. Très vite, le pasteur va changer d'avis à son égard, par la pertinence des réflexions de la vieille demoiselle. A eux deux, s'improvisant détectives, ils vont résoudre l'enquête - quoi ? Je n'aurai pas dû le dire ? Avez-vous déjà vu Miss Marple échouer, même s'il s'agit là de sa première enquête d'importance ? Non.
Bien, je continue.
Ils vont donc résoudre l'enquête, et ce, en dépit de toutes les embûches qui vont se dresser sur leur route. L'assassin, est quasiment insoupçonnable et a semé des indices de manière à incriminer une ou plusieurs autres personnes. Miss Marple n'a que l'embarras du choix pour les suspects - sept en tout, dont elle ne révèlera l'identité que lorsqu'elle aura réellement identifié le coupable. S'ajoute à cette histoire de meurtres du braconnage, des commérages, peut-être même du chantage, sans oublier un traffic d'oeuvres d'art et la résurgence d'anciennes passions amoureuses. Bref, tout est là pour composer un roman parfaitement embrouillé, et pourtant, tout, jusqu'au détail le plus insignifiant, trouvera sa solution de manière limpide.
Encore un très grand roman d'Agatha Christie.