Titre : La femme de l’allemand.
Auteur : Marie Sizun.
Editeur : Le livre de poche.
Nombre de pages : 286.
Quatrième de couverture :
Dans le Paris de l’après-guerre, une petite fille, Marion, vit avec sa mère, Fanny, qu’elle adore. Peu à peu, pourtant, une dissonance s’installe, faussant leur relation. Des emportements inexplicables, un silence incompréhensible à propos de ce père allemand dont Marion ne sait rien ou presque. Avec le temps, Marion comprend que sa mère est maniaco-dépressive. Les rôles s’inversent alors. L’adolescente endosse cette raison qui, doucement, abandonne Fanny. Mais l’amour ne suffit pas pour terrasser la folie… Marie Sizun sait dire avec émotion et pudeur l’amour qui rapproche et sépare les êtres.
Mon avis :
Quelle est cette voix qui s’élève et qui s’adresse à Marion, le personnage principal ? J’ai pensé que c’était Marion, adulte, qui s’adressait à l’enfant et à l’adolescente qu’elle avait été.
La vie de Marion, dès son plus jeune âge, est faite de secrets : ne pas révéler que son père est allemand, ne pas révéler que sa mère est maniaco-dépressive. Bien sûr, ce n’est pas ce mot que Marion emploie au début, elle va découvrir petit à petit la réalité de la maladie de sa mère. Il est significatif que le premier souvenir conscient de Marion est celui de la première crise dont elle a été témoin. Chaque fait nous est raconté de son point de vue d’enfant, sans fausse naïveté (jamais le lecteur n’a l’impression d’en avoir deviné plus qu’elle), sans enjolivement.
Il n’est pas facile de grandir et de se construire dans ces conditions. La maladie de Fanny impose son rythme au roman. Les périodes d’accalmie sont résumées, toujours vécues dans un mélange d’aveuglement et de défiance, dû en partie aux commentaires de la narratrice. Les crises sont soigneusement racontées : les signes précurseurs, le déroulement et les conséquences.
Marion a la chance d’avoir des grands-parents et une grand-tante qui prennent soin d’elle et qui lui assure une existence presque normale. Je peux comprendre aussi que Maud retrouve dans Marion la fille qui s’est éloignée d’elle, et pour Elisa, la petite-fille qu’elle n’aura jamais. De même, lorsque ses origines sont révélées, Marion rencontrera la compréhension autour d’elle - la guerre s’est éloignée, et tout le monde ne songe pas à reprocher aux enfants la faute des parents.
Marion aime sa mère, d’un amour inconditionnel, et fait tout pour la protéger. L’adolescence lui apporte cependant le désir de s’émanciper, de vivre les émois ordinaires d’une jeune fille de son âge. Fanny ne voit plus alors en sa fille un double, sa petite Funny, mais une rivale. Marion, qui reconstitue les méandres des raisonnements malades de sa mère, devra choisir entre protéger, encore et toujours sa mère, et se protéger, vivre, enfin, même si c‘est d‘une manière que son entourage ne comprend.
Un très beau roman et un vrai coup de cœur.