Titre : La guinguette à deux sous.
Auteur : Georges Simenon.
Editeur : Le livre de poche.
Circonstances de lecture :
J’ai lu, entre vingt et vingt-deux ans, toutes les enquêtes du commissaire Maigret. Comme j'ai du mal à me concentrer sur mes lectures en ce moment, j’ai relu une de ses enquêtes, une de celles dont je ne me souvenais pas trop.
Mon avis :
Si vous ne connaissez pas l’univers de Simenon, je ne vous conseillerai pas de débuter par cette enquête car elle apparaît comme une parenthèse dans la carrière de Maigret. Pourtant, le roman avait débuté de manière dramatique. Nous suivons Maigret rendant visite à un condamné à mort dont le pourvois a été rejeté. Celui-ci, qui n’a jamais voulu charger ses complices, fait une confidence à Maigret : il connaît un homme honorable qui mériterait la guillotine autant que lui. Il ne lui donne pas son nom (ce chef de bande respecte jusqu’au bout son code de l’honneur) mais lui décrit ce que lui et son ami Victor ont vu six ans plus tôt et lui donne un nom : la guinguette à deux sous.
La seconde enquête ne démarre pourtant pas. Le temps passe, et Maigret a d’autres préoccupations : ce sont les vacances, il doit rejoindre sa femme en Alsace, les policiers sont surchargés de besogne. Le hasard va véritablement le remettre sur la trace de cette guinguette, et, le temps d’un week-end, il s’y laisse entraîner, rencontrant les habitués. La faune est étrange, hors du temps. Ce sont tous ou presque des notables venus se distraire, un médecin, un entrepreneur, un chemisier, un employé de banque, qui s‘amusent à reconstituer l’ambiance désuète du début du siècle. Maigret semble presque en vacances au milieu d’eux. Rien ne lui échappe pourtant : la mélancolie des uns, la trop grande joie de vivre des autres. Il découvre même la liaison extraconjugale qui unit Basso l’entrepreneur à la très sensuelle Mado Feinstein.
Survient la tragédie : Feinstein est retrouvé mort, une balle dans le cœur, Basso, l’arme à la main, proteste de son innocence. Ceux qui fuyaient le monde contemporain, et avec lui, leur passé, se trouvent rattrapés par les conséquences de ce meurtre. Fuite, cavale, déploiement de gendarmerie digne des plus grands gangsters paraissent incongrues, et Maigret lui-même prend ses distances vis-à-vis d’une enquête qui se déroule presque malgré lui. Il la suit pourtant, tout en retrouvant la trace du meurtre qui a eu lieu six ans plus tôt, et qui le ramène vers les habitués de la guinguette.
Le dénouement ne fut pas pour moi un voile qui se déchire, il me parait tristement banal, tragiquement réaliste et m'a laissé un goût amer . Durant tout le roman, Maigret a plus agi en homme qu'en policier et c'est sans doute pour cette raison qu'il a été berné - et, lui semble-t-il, avec son propre consentement.