
Le constat pour moi est simple : l'auteur sait vraiment captiver son lecteur. D'abord, elle choisit comme narrateur principal Yuan Zhao, que la majorité des personnages nomme simplement "le dissident", parce qu'ils ne parviennent pas à prononcer correctement son nom ou parce que ce n'est pas la personne qui les intéresse mais ce statut : un homme qui a défié le pouvoir chinois par ses œuvres. Ensuite, ce « dissident » se révèle un narrateur habile. Yuan ne nous raconte pas seulement sa tâche de professeur aux États-Unis (souvent délicate, car ses objectifs, ses méthodes ne sont pas ceux d'une école américaine), sa vie quotidienne dans une famille aisée mais , il nous parle de son passé en Chine, ses amours, sa jeunesse, celle de ses parents, révélant ainsi autant de l'histoire de son pays que de la sienne. Face à lui, les américains font presque pâle figure. Le décalage est grand entre leurs paroles, effectivement prononcées, et ce qui a motivé ces paroles, ces actes, d'où des erreurs d'interprétation parfois considérables, d'autres fois justes risibles (voir l'incompréhension qui s'est créée entre Cece, son mari, et son beau-frère).
Puis, au fil du récit, j'ai eu l'impression que Yuan laissait des indices au lecteur (je pense à sa facilité avec laquelle il invente des épisodes de sa vie et constate la crédulité de ses interlocuteurs), pour qu'il comprenne que la narration est en partie piégée, et s'interroge sur ce qui a pu (ou non) être inventé dans le reste du récit. Aussi le coup de théâtre final m'a certes étonnée, mais pas stupéfiée, sans doute parce qu'il fut agréable d'être dupée par un conteur aussi habile.
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, et j'espère que d'autres lecteurs l'apprécieront également.
Merci aux éditions de la Table Ronde et au forum Partage Lecture de m'avoir permis de découvrir cette auteur.