édition Allia - 71 pages.
Je ne pouvais pas commencer cet article sans parler de la vie de Nelly Sachs. Elle est née à Berlin en décembre 1891, dans une famille de juifs "assimilés". Son père Walter est industriel, sa mère Margarete est femme au foyer. Elle lit beaucoup et commence à écrire. En 1906, elle reçoit en cadeau d'anniversaire La légende de Gösta Berling, de Selma Lagerlof. La lecture de cette oeuvre est si enthousiasmante que Nelly entame une correspondance avec Selma. Encouragée, elle continue à écrire mais Nelly traverse, à la suite vraisemblablement d'une histoire d'amour malheureuse, une grave crise, qui l'amène à se confier pendant deux ans au psychiatre Richard Cassirer, qui l'encourage à écrire. La guerre passe, la jeune fille ne quitte pas ses parents. En 1929, ses poèmes sont publiés pour la première fois. En 1930 son père meurt. En 1933, Hitler prend le pouvoir et le nazisme poursuit sa progression inexorable. Après 1936, Nelly Sachs ne peut publier ses textes que dans des revues juives. Grâce à Selma Lagerlof, Nelly et sa mère quittent in extremis l'Allemagne en 1940. Elle ne quittera plus Stockholm et ne cessera d'écrire. Sa mère meurt en 1950. Nelly Sachs reçoit le prix Nobel de littérature en 1966, conjointement avec Samuel Joseph Agnon. Elle meurt à Stockholm le 12 mai 1970.
Je tenais à écrire cette biographie car Nelly Sachs a consacré toute sa vie à l'écriture, comme une réponse implcite à ceux qui pensaient qu'il était impossible d'écrire "après" la Shoah. J'ai l'impression que, pour Nelly Sachs, écrire était la preuve de montrer que tout n'avait pas été anéanti, que l'espoir était encore possible.
Ce livre est le dialogue, le "silence parlant" qu'elle a entretenu avec sa mère après la mort de celle-ci, survenue en 1950. Cette date est véritablement le point de départ du livre, celui qui sert de référence : "7 octobre. 8 mois. Chacun a son propre calendrier de mort et de résurrection". Elle a puisé son inspiration dans la Bible et le hassidisme. Elle cite également ses oeuvres antérieures : autant dire que l'édition de Lettres en provenance de la nuit est abondamment annoté, autant pour comprendre les références religieuses que les allusions à la vie privée de Nelly.
Ce recueil ne se lit pas comme un roman. Il faut prendre le temps de lire, de revenir en arrière, de lier un paragraphe à un autre ou à une strophe, de goûter la simplicité et la richesse des mots tout à la fois d'un texte qui mèle les détails du quotidien et les réflexions sur la foi, la souffrance et la compassion. Ce n'est pas un livre qui se referme et se range après avoir été lu, c'est un livre qui reste sur la table de chevet et dont on relit un extrait de temps à autre.
Je terminerai par une dernière citation :
Ame bien-aimée, toi tu sais ! Mais moi je ne sais rien et je comprends de moins en moins. Je souffre et j'aime et me languis. A quelle religion ça appartient, ça ? (p. 54)