Titre
: Meurtriers sans visage.
Auteur : Henning Mankell.
Editeur : Points.
Nombre de pages : 386.
Quatrième de couverture :
Dans une femme isolée de Suède, un couple de paysans retraités est sauvagement assassiné. Avant de mourir, la vieille femme murmure un mot : «étranger ». Il n’en faut pas plus pour provoquer une vague de violence contre les demandeurs d’asile de ka région. Le commissaire Wallander va devoir agir vite, sans tomber dans le piège de la xénophobie ambiante qui brouille les pistes.
Mon avis :
Mes dernières lectures policières nordiques se sont montrées assez décevantes, et je me suis demandée si je retrouverai un jour un roman qui me conviendrait. Sans grande conviction, j’ai sorti Meurtriers sans visage de ma PAL. J’ai commencé à le lire, et je ne me suis arrêté qu’à la descente du train.
L’intrigue est habilement construite. Elle s’étend sur six mois, ce qui donne une impression de réalisme : dans la vie, il est rare qu’une enquête soit résolue en une seule journée (voir certaines séries télévisées). Les meurtres sont sauvages, pourtant les descriptions sont pudiques, empruntes de compassion envers les deux victimes. J’ai suivi pas à pas chaque étape de l’enquête, tant elle est raconté avec soin. Les datations sont extrêmement précises, comme si nous lisions un journal de bord. Les descriptions sont brèves mais riches ! elles recréent l'univers sonore et visuel qui entoure l'enquête.
Cette première enquête va en entraîner une seconde, qui soulève de grands problèmes de société : comment sont traités les demandeurs d’asile quand ils arrivent dans un pays ? Comment sont-ils intégrés ou plutôt, comment sont-ils systématiquement écartés ? Quels sont les réactions de la population du pays d’accueil ? Mankell dresse un tableau très sombre de la situation. L’hostilité grandissante trouve des échos dans les organisations d’extrême-droite, qui étendent de plus en plus leur ramification et fixent des objectifs qui font froid dans le dos. Les camps de réfugiés ressemblent tragiquement aux camps de concentration. Quant aux journalistes, ils soufflent le chaud et le froid pour discréditer les immigrés et la police.
Comme dans toute série policière, la personnalité de l’enquêteur a une grande importance. Est-ce un effet voulu ? Kurt Wallander est toujours désigné par son nom et son prénom, alors que ses adjoints n’ont droit qu’à leur nom de famille. Du coup, c’est lui qui focalise l’attention. Il m’a rappelé de nombreux héros policiers. L’inspecteur Morse, pour son goût de la musique classique. Comme Erlendur, il est divorcé, rencontre de grandes difficultés avec sa fille. Comme Harry Hole, il a tendance à noyer ses problèmes dans l’alcool. Mais Kurt Wallander est une création à part. S’il ne ménage pas ses hommes, il s’implique personnellement dans son enquête (il suffit de voir les blessures qu’il récolte), tout en résolvant ses problèmes familiaux. La grande force de Wallander est de n’être ni un personnage figé (il évolue considérablement au cours de ses quatre cent pages) ni un personnage résigné. Cette phrase le définit parfaitement : « la justice, ce n’est pas seulement le fait que les gens qui commettent des crimes soient punis. Pour nous, c’est aussi le fait de ne jamais renoncer ».