Editions J'ai Lu - 510
pages.
Quatrième de couverture :
Grièvement blessé par un dément, le profileur Tony Hill doit en sus affronter la rapacité de sa redoutable mère, tandis que Carol Jordan est chargée d'élucider une série de mystérieux empoisonnements. La première victime, vedeette du football-club de Bradfield, déchaïne l'hystérie des foules. Quelque temps plus tard une nombe explose un jour de match... Des terroristes ? Malgré sa faiblesse, seul Tony Hill sera capable de faire le lien entre ces affaires apparemment distinctes.
Merci au forum Partage-Lecture et aux éditions J'ai Lu pour ce partenariat.
Mon avis :
Ce livre marque ma deuxième lecture d'un roman de Val Mc Dermid, après [i]Quatre garçons dans la nuit[/i]. Une différence de taille apparaît cependant : Sous les mains sanglantes fait partie
d'une série, il s'agit de la cinquième enquête mettant en scène le duo Carol Jordan (inspecteur principal)/Tony Hill (psychologue et profileur). Prendre une série en cours de route ne m'a jamais
dérangé, surtout que Val McDermid distille suffisamment d'éléments de leur passé commun pour donner de l'épaisseur aux personnages, sans que jamais ses allusions soient obscures au point que l'on
se dise "flûte ! j'ai dû rater quelques chose".
Gageure supplémentaire : l'auteur aime nous lancer sur une fausse piste. En effet, en découvrant les premières pages, et l'acte héroïque de Tony, j'avais en tête de nombreux clichés sur la folie
et l'influence des éléments extérieurs et je pensais qu’elles prendraient place dans l'action. De folie, il en sera bien question, mais pas du tout comme je m’y attendais. Même l'immobilisation
de Tony, qui fait irrésistiblement penser à Jeff, le héros de Fenêtre sur cour, sera exploitée de manière très particulière : Tony ne sera pas un héros passif, obligé de sans cesse déléguer.
Si je compare ce roman à un film, c’est parce que son efficacité fait immédiatement penser à une adaptation possible à la télévision (ce qui a d’ailleurs été réalisé : Tony et Carol furent les héros pendant six ans d’une série télévisée outre-Atlantique). La narration, découpée en journée, alterne deux points de vue principaux, l’équipe des enquêteurs d’un côté, Youssef Aziz de l’autre, et j’ai bien sûr tenté de créer des liens entre ses deux récits parallèles et linéaires, en m’appuyant sur des indices, et tourné les pages rapidement, tant j’avais envie d’en savoir plus.
Carol et Tony ? Toujours par opposition avec d’autres couples d’enquêteurs célèbres, ils vivent ensemble (ils partagent le même appartement et la garde du chat, très régulièrement nourri ou autorisé à chasser de petits rongeurs – vous ne pensez tout de même pas que j’aurai passé Nelson sous silence ?) mais nous savons qu’une histoire d’amour est difficilement possible entre ces deux êtres aux blessures visibles par eux seuls.
Autre manière de se démarquer des lieux communs policiers : cette équipe qui n’en est pas vraiment une. La plupart des membres jouent les francs-tireurs (et tant pis pour les risques qu’ils prennent) ou passent outre les volontés de leur chef pour obéir à Tony – d’où des scènes mémorables qui font dire à Carol que Tony est bien heureux d’être à l’hôpital (pas parce qu’il évite ainsi une belle dispute, non, parce qu’il pourra être soigné immédiatement). Le point commun entre les membres de l’équipe ? Une vie sentimentale hors-norme, mis à part Kévin, marié et père de famille et qui ne leur pose pas de problème : même les lesbiennes ont des problèmes de couples, et la petite génie de l’informatique a une façon très « moderne » d’envisager une soirée d’amour.
Peu importe leur volonté de faire cavalier seul (très utile finalement quand une unité anti-terroriste entière vous retire une de vos enquêtes juste sous votre nez), les meurtres qu’ils ont à résoudre sont à la fois modernes et classiques. Moderne, l’attentat au stade municipal rappelle notre crainte du terrorisme et la peur de l’autre. Il montre aussi le poids des préjugés, et comment il est nécessaire aux enquêteurs de s’en défaire. Classiques, les empoisonnements rappellent les intrigues des romans d’Agatha Christie, entraînant proximité et éloignement de la victime. Tous deux entraînent une planification implacable, qui fait froid dans le dos, rétrospectivement.
Sous les mains sanglantes est un roman policier que je vous conseille chaudement.