Titre : Suite(s) impérial(e)
Auteur :Bret Easton Ellis.
Editeur :Robert Laffont.
Nombre de pages : 228.
Quatrième de couverture :
Au milieu d'une nuit de cauchemar, deux mots apparaissent sur le miroir d'une salle de bain : "Disparaître ici". Vingt-cinq ans plus tôt, ces mêmes mots se déployaient sur un panneau publicitaire de Sunset Boulevard.
Un matin, des étudiants découvrent près d'une poubelle ce qu'ils imaginent être un drapeau américain trempé de sang. C'est en fait un cadavre.
A la fin d'un weekend de drogues et d'orgies à Palm Springs, une fille contemple une montagne au-delà de la plaine désertique et murmure : "C'est le lieu du passage". Elle ajoute en pointant le doigt : "C'est ici que vit le diable".
Circonstance de lecture :
Je tiens à remercier chaleureusement BOB. Quand j'ai postulé pour ce livre, je ne pensais pas une seule seconde être retenue. J'ai eu une excellente surprise en lisant mon nom.
Mon avis :
En refermant ce roman sur un dernier coup de théâtre, j'ai senti la nécessité de retourner en arrière, de relire certains passages dont le sens avait singulièrement changé face à cette révélation. J'éprouvai là le sentiment que l'on ressent en général à la lecture d'un bon roman policier, pourtant il m'est impossible de classer Suite(s) impériale(s) dans cette catégorie.
La mort est pourtant omniprésente. Le roman s'ouvre sur la découverte d'un cadavre, elle se clôt sur un meurtre, et entre temps, d'autres meurtres ou disparitions auront été évoqués. Clay lui-même vit dans l'appartement d'un jeune homme mort, dont l'absence l'obsède. Pourtant ces morts ne rencontrent d'indifférence. Les enquêtes ne sont évoquées que de loin en loin, personne n'est inquiété. Les mort sont racontées avec froideur, les descriptions des corps mutilés sont d'une précision clinique. J'ai l'habitude de lire des romans policiers sanglants, cependant tant de froideur m'a secouée. Elle est pourtant pleinement assumé par Clay, le narrateur.
Clay n'est pas le personnage principal du récit, il est à peine le personnage principal de sa propre vie. Il est un témoin (encore une fonction héritée du roman policier) qui ne comprend rien à ce qu'il voit, ni aux raisons qui font qu'il est harcelé, espionné, menacé. Il a beau rencontré ses proches (le terme "ami" me semble trop fort), les échanges verbaux le renvoient à chaque fois à des faits qu'il devrait connaître et qu'il ignore - non parce qu'ils lui ont été cachés, mais parce que Clay ne s'intéresse pas assez aux autres pour s'inquiéter de ce qu'ils leur arrivent.
Chanceux, Clay ? Oui, il s'en tire à bon compte. Manipulé, et de quelle manière, il est lui aussi un manipulateur. Scénariste en vogue, lucide sur la valeur de son travail, il abuse du petit pourvoir que lui donne sa position pour asservir de jeunes actrices. Il n'est jamais question d'amour avec Clay, juste de possession. La peinture du milieu du cinéma est plus que sombre. Pas d'actrices, juste des starlettes prostituées, dont les amants, qui se prétendent les amoureux, rangent leur costume d'agent pour celui plus lucratif de souteneur. Ses corps parfaits sont en fait des corps souffrants, livrés à toutes les addictions (drogue, alcool, bistouri), quand ils ne se retrouvent pas, comme celui de Julian, torturés jusqu'à l'anéantissement.
La lecture de ce roman fut une expérience destabilisante, que je n'ai pas envie de renouveler de sitôt.