édition 10/18
Mon résumé :
Au coeur de l'Amérique profonde des années 20, Sula et Nel, deux petites filles noires, deviennent amies. Leurs familles sont très différentes, leur vie le sera également.
Mon avis :
J'ai eu du mal à rédiger cet avis, et l'une des premières raisons est l'influence des autres lectures que j'ai effectuées juste avant ou juste après. Je reproche à certains livres de contenir trop de thèmes, trop de pistes narratives, et de ne pas avoir su les exploiter.
Rien de comparable dans l'oeuvre de Toni Morrison. Sula est un roman relativement bref, eu égard aux pavés que l'on rencontre régulièrement en librairie, pourtant il est extrêmement riche et par conséquent inclassable.
Sula raconte
quatre-vingt années de la vie au Fond, aujourd'hui (en 1965) banlieue de Médallion. En tête des chapitres est notée l'année pendant laquelle le récit s'est déroulé. S'il commence en 1919, il
remonte pourtant bien plus loin dans le passé, en 1895 notamment, année où Boyboy, mari d'Eva, est parti en la laissant seule avec ses trois enfants.
Sula est avant tout un roman de femmes - et non un roman féminin. Les femmes, dans ce roman, se montrent fortes, déterminées, capables de surmonter tous les obstacles, alors que les hommes, à de rares exceptions près, abandonnent très vite leurs responsabilités, se lamentent sur leur sort au lieu d'agir - ou du moins, d'essayer. A leur décharge, leur impossibilité de trouver du travail valorisant, voir du travail tout court - un blanc, même chétif, sera toujours préféré. A la décharge de Shadrack et de Plum, la guerre qu'ils ont faite, loin de leur pays et qui leur a fait perdre la raison.
Les superstitions et autres interprétations d'événements naturels prennent une grande place dans le récit, au point que, parfois, je me suis crue projetée dans un conte particulièrement cruel.
Je reviens aux femmes, et surtout aux deux familles qui se trouvent unies par l'amitié entre Sula et Nel. Sula, fille d'Hannah, petite-fille d'Eva. Nel, fille d'Hélène, petite-fille d'une prostituée créole. Nel est la réussite d'Hélène puisque, comme elle, elle s'est mariée, a eu des enfants, n'a jamais failli à ses devoirs. Sula semble être l'exacte opposée de Nel. Eva s'est démenée pour élever ses trois enfants. La violence marque sa lignée - et le feu, sans que j'ai ressenti dans cet élément les symboles qui lui sont associés. Sacrifice ? Peut-être. Purification ? Je n'y crois pas vraiment. Punition et folie ? Peut-être, encore une fois.
L'amitié qui unit Sula et Nel n'est pas plus facile à définir, tout comme il serait trop facile de poser un jugement manichéen sur leur comportement. Les notions de bien et de mal semblent leur être étrangères. La différence essentielle vient que Nel mène une existence conforme aux normes en vigueur et accepte d'avoir un destin ordinaire alors que Sula n'obéit qu'à ses propres exigences. Pourtant, Sula est le double de Nel, son indispensable complément, plus que ne l'a été son mari et si Nel continue seule son chemin, elle se rendra compte que la seule personne qui lui manque, la seule personne qui lui était indispensable est Sula.