Petite bibliothèque Payot - 230 pages.
Quatrième de couverture :
Si les Habsbourg comptent nombre de personnages romanesques à travers les siècles, il restait encore à découvrir la figure singulière et contrastée d'Élisabeth-Marie (1883-1963), dite " Erzsi ". Enfant unique du suicidé de Mayerling et petite-fille préférée du vieil empereur, elle fut rebelle comme son père tout en restant archiduchesse dans l'âme bien après la chute de l'Empire austro-hongrois. Un premier mariage avec le prince Otto Windisch-Graetz tourna vite au cauchemar mais n'aboutit à une " séparation de table et de lit " qu'en 1924. À cette époque, Erzsi avait déjà rencontré le véritable homme de sa vie, Leopold Petznek, figure majeure du parti social-démocrate autrichien. Elle-même y adhéra. Dans la tourmente des années trente, la fortune et les relations de celle qu'on appelait désormais l'" Archiduchesse rouge " lui permirent de venir en aide aux camarades persécutés.
Mon avis :
Ce livre a été écrit en 1982, mais il n'a été traduit en français qu'en 2010, permettant à un public francophone d'en savoir un peu plus sur la vie d'Elisabeth-Marie d'Autriche, petite-fille de Sissi, fille unique de Rodolphe.
J'ai beaucoup aimé ce livre, que j'ai lu quasiment d'une seule traite, et à une vitesse remarquable, tant le sujet est bien traité. L'auteur Friedrich Weissensteiner est un spécialiste des Hasbourg, et, à mon sens, un historien scrupuleux. Il n'hésite pas à replacer les faits dans un contexte historique précis, sans s'étendre dans des digressions inutiles. Un seul exemple : la naissance de celle qui sera bientôt surnommée Erzsi fut-elle source de joie ? Officiellement, oui : personne dans l'Empire ne pouvait ignorer cet heureux événement. La princesse Stéphanie fut heureuse d'avoir à nouveau un poupon avec lequel jouer. Quant à Rodolphe, il attendait plutôt un petit Waclaw. Le peuple autrichien, lui, ne se réjouissait pas tant que cela : les simples ouvrières n'avaient souvent pas de quoi nourrir leurs enfants, sur 1000 naissances, 340 enfants mourraient au berceau, et ce n'est pas le bois que fit distribuer l'Empereur pour célébrer la naissance d'Elisabeth-Marie qui changerait quoi que ce soit à la situation.
J'aime aussi l'honnêteté de cet auteur. Bien sûr, il cite ses sources, ce qui est la moindre des choses. Il regrette aussi qu'Erszi, contrairement à sa mère, n'ait pas tenu de journal ou laisser des mémoires. Il est si difficile de savoir ce que pensait cette archiduchesse, à la vie si tumultueuse. Mais surtout, il n'avance que des faits prouvés et a l'honnêteté de dire ce qu'il ne sait pas, notamment en ce qui concerne les tenants et les aboutissants de Mayerling (et pourtant, j'en ai lu, des auteurs qui étaient certains de ce qu'ils avançaient, penchaient pour un complot ou une affaire passionnelle).
Il ne fait pas non plus de cadeaux à Erzsi. La fille de Rodolphe était la petite-fille préférée de son grand-père, qui lui passa tous ses caprices. Comme sa mère,
veuve trop jeune, et Sissi, elle cachait son spleen en voyageant. Elle fit un mariage d'amour qui ne fut pas heureux avec le prince Otto Windisch-Graetz et lui donna quatre enfants : tous furent
de santé fragile, elle craignit souvent pour leur vie. Elle se sépara de son mari et dut se battre, au sens propre du terme, pour conserver la garde de ses quatre enfants, son mari n'hésitant pas
à utiliser tous les coups bas possibles et imaginables. Sa propre mère se dressa contre elle, et le conflit mère/fille fut sévère : Erzsi ne pardonna pas à sa mère la publication de ses mémoires,
qui ternissait Rodolphe. Même si la fin de l'archiduchesse fut solitaire, il ne faut pas oublier que sa vie fut éclairée par un grand amour, celui de Leopold Petznek, qu'elle put épouser en 1948
: un vrai conte de fée entre une princesse et un ouvrier.
Un livre très bien écrit, qui nous en apprend beaucoup sur cette personnalité fantasque.