édition Gallimard - 290 pages.
Quatrième de couverture :
Robinson Crusoé vient de passer vingt ans de solitude dans son île déserte. Il a dû reconstruire son équilibre. C'est avec fierté, celle d'avoir soumis l'île à sa domination, qu'il entame ce matin-là une promenade rituelle sur la plage où il avait mystérieusement échoué il y a tant d'années. C'est alors qu'il découvre l'inconcevable : dans le sable, une empreinte. Celle d'un homme. Passé l'affolement, puis la posture agressive et guerrière, le solitaire s'élance à la recherche de cet Autre qui lui amène ce dont il avait oublié l'existence : l'idée même de l'humain. Commence alors une étrange aventure qui le précipite en présence de lui-même et d'une île inconnue jusqu'alors. Celui qui avait réussi à survivre sans civilisation, sans culture, sans autrui, doit maintenant affronter ce qu'il n'aurait pu imaginer ailleurs qu'ici : la relation à l'impensable.
Mon avis :
Je ne vous cacherai pas que j'ai eu du mal avec ce livre, mais pas pour les mêmes raisons que pour En chute libre de Carl de Souza. Mon soucis est que Patrick Chamoiseau s'est inspiré de
Robinson Crusoé de Daniel Defoe, livre lu il y a cinq ans, avec lequel je n'ai eu aucune affinité. Le second est plus technique : le texte ne comporte pas de majuscule, puisqu'il est uniquement
ponctué par des virgules et des points-virgules, et j'ai eu du mal à me faire à cette écriture. Maintenant, je sais très bien que c'est un réflexe de professeur de français, et que ce choix
d'écriture est parfait pour montrer le cheminement de la pensée de Robinson, qui suit son cheminement physique à travers l'île qu'il croit avoir asservie.
J'ai été sensible à la version que donne Patrick Chamoiseau du mythe de Robinson Crusoé. Il prend son héros à un moment de crise, à un moment où il cherche à se redéfinir en tant qu'être humain, lui qui pour la première fois se retrouve confronter à un Autre alors que depuis vingt ans, Robinson est seul sur son île. J'ajoute que l'Autre est bien un égal dans l'esprit de Robinson, peut-être menaçant, mais il n'est pas un sauvage qu'il lui faudra civiliser, comme le Vendredi de Defoe.
Robinson (qui n'est même pas sûr de se nommer ainsi mais a choisi de prendre cette identité qui est peut-être la sienne) visite à nouveau l'île, ce qu'il a nommé, aménagé, domestiqué au fil des années. Il cherche également à se définir en tant qu'être humain et se rend compte que ce qu'il tenait pour acquis (le langage, la lecture, l'écriture) ne l'est pas autant qu'il le pense. Sa capacité à se questionner, à se remettre en cause, prouve son humanité. Je l'ai trouvé plus humble que le Robinson de Defoe, plus sensible au fur et à mesure de son récit à ce qui l'entoure, il n'est plus le centre et le créateur du monde, il est un élément du monde, parmi d'autres.
Au final, il m'a fallu apprivoiser cette écriture mais une fois que j'ai réussi à rentrer dans le texte, j'ai beaucoup apprécié sa musicalité et sa capacité transcrire les sensations de Robinson. Le choix s'annonce rude pour cette sélection du mois d'août.