Je n'ai pas peur des contrastes. Après Placebo, je vous parlerai donc d'Alceste ou le triomphe d'Alcide de Lully, ma tragédie
lyrique préférée.
Ecrire en 1674, elle est la deuxième tragédie lyrique écrite par Lully et Philippe Quinault, son librettiste attitré, après Pomone. Elle comporte un prologue et cinq actes.
Lors du prologue, la Gloire apparaît aux Nymphes éplorées par l'absence du héros Louis (XIV) : "lorsque tu vois la Gloire, ton héros n'est pas loin". Voici le rondeau qui annonce son entrée en
scène.
L'histoire ? Je vous la raconte. Alceste et Admète sont sur le point de se marier. Alcide (plus connu sous le nom d'Hercule) est amoureux d'Alceste, et cache son tourment, sauf à Lychas, son plus
proche confident. Celui-ci badine de son côté avec la jeune et jolie Céphise, suivante d'Alceste, qui filait jusque là le parfait amour avec Straton, serviteur de Lycomède. Alors que les
festivités du mariage battent leur plein, Lycomède, amoureux lui aussi d'Alceste et Straton enlèvent la fiancée et sa suivante, aidé par Eole. Alcide offre son aide au fiancé
éploré.
Acte II : Sur son île, Lycomède tente de séduire la fidèle Alceste, en vain. Admète et Alcide viennent délivrer les deux jeunes filles, avec une musique fort martiale.
Elles sont délivrées ! Si Céphise se jette dans les bras de Lychas, en revanche Alceste trouve Admète mourant. Appraît alors Apollon. Le Dieu promet que le jeune homme aura la vie sauve si
quelqu'un accepte de mourir à sa place.
Acte III : la cour, qui aurait dû résonner des festivités du mariage, est déjà en deuil. Personne ne veut se sacrifier pour son roi, tous ont de bons prétextes, d'excellentes excuses, à commencer
par son propre père.
Soudain, un miracle a lieu : Admète est guéri. Il demande à voir celui qui s'est sacrifié pour son roi. Le rideau s'ouvre : apparaît le corps d'Alceste. Admète défaille, la pompe funèbre, un
des airs les plus émouvants de cet oeuvre, débute :
Acte IV : Alcide réanime Admète, qui ne pense plus qu'à mettre fin à ses jours. Lui, le demi-dieu, révèle son amour pour Alceste et lui fait une promesse : il ira chercher Alceste
jusqu'au fond des Enfers, à condition qu'il devienne le mari d'Alceste en lui et place d'Admète (rappelons qu'avec tous ses événements, le mariage n'a toujours pas été célébré). Et il y va, il
affront Cerbère (l'air dont les critiques se sont le plus gaussés à l'époque). J'adore les deux airs suivants.
Acte V : Alcide est vainqueur du trépas, l'Enfer ne lui résiste pas. Admète organise les festivités. Il se réjouit et souffre le plus silencieusement qu'il peut. Pendant ce temps, Céphise règle
ses comptes avec ses deux amoureux transis :
Je n'ai pas de choix à faire
Parlons d'aimer et de plaire
Aimez-vous toujours en paix
L'hymen détruit la tendresse
Il rend l'amour sans attrait
Voulez-vous aimer sans cesse
Alors n'épousez jamais (je trouve ces vers très modernes).
Alceste apparaît, et, comme Admète, fait tous les efforts qu'elle peut pour ne pas laisser transparaître sa douleur (je rappelle tout de même à Mossieur Alcide, demi-dieu de son état, que c'est
pour Admète qu'elle a donné sa vie, par pour lui). Les adieux entre Alceste et Admète sont si déchirants qu'Alcide, après avoir triompé de la mort, triomphe de lui-même : il vainc son amour et
rend Alceste à Admète.
Que dire ? Si ce n'est que depuis que j'ai entendu cette oeuvre sur France musique, avec Jean-Claude Malgoire en chef d'orchestre, Colette Alliot-Lugaz, Howard Crook, Jean-Philippe Lafont, Sophie
Marin-Degor au chant, il y a près de 18 ans, je suis sous le charme de cette oeuvre. Dès que le triple CD, indisponible à ce jour est sorti, je me le suis procuré (en 1994)n et depuis, je
le réécoute très régulièrement (c'est à dire au moins une fois par vacances scolaires, petites ou grandes). Les extraits que j'ai insérés proviennent pour leur part tous de L'orchestre du roi
Soleil, interprété par Le concert des Nations et Jordi Savall.