édition Folio - 164 pages.
Quatrième de couverture :
Dans le château d'une petite principauté allemande, au début du siècle dernier, le peintre Cazotte, conseiller de la grande-duchesse, rêve en observant une jeune
fille. ce séducteur patenté déploie une patience infinie pour percer le mystère d'Ehrengarde, la farouche descendante d'une famille de militaires frustres et disciplinés. mais il se sentira floué
en voyant Ehrengarde, fidèle à son nom qui signifie "gardienne de l'honneur", compromettre sa réputation pour sauver celle de la famille patricienne qu'elle sert.
Dans cette nouvelles, comme dans celles qui suivent, les personnages agissent sous l' empire de sentiments aussi désuets que l'amour, l'honneur et la fidélité, dans
un monde où le rêve sert de contrepoint à la réalité.
Mon avis :
Ce recueil est composé de quatre nouvelles. La première, la plus longue, s'appelle Ehrengarde. Elle reprend tous les éléments du conte de fée : la naissance du jeune prince est aussi miraculeuse que celle de la princesse Aurore, le jeune prince grandit, paré de toutes les perfections, et rencontre une princesse qui est son exact complément, exubérante et tendre.
Le conte est pourtant légèrement décalée, puisque la famille régnante a toutes les caractéristiques des fins de race et que cette nouvelle génération pourrait bien être la dernière. Mieux : la princesse n'est pas innocente, et dans une Cour royale parfaite, il est difficile d'évoquer la prématurité. Pour préserver le secret, une cour de porcelaine, qu n'a rien à envier au Trianon, est recrée, avec juste une poignée de fidèles dont fait partie Ehrengarde. Le traître n'est pas sur place, mais le peintre Cazotte se promet de séduire la belle Ehrengarde de manière artistique et intellectuelle. C'était sans compter un complot digne des meilleures monarchies d'Europe de l'Est, et des péripéties à faire dresser les cheveux sur la tête. Tel est pris qui croyait prendre, car Ehrengarde est une héroïne d'un autre temps, prête à tout pour défendre ses souverains et Cazotte un artiste.
Seconde rencontredéveloppe un thème propre à la littérature fantastique : celui du double. Ici, le double de Goethe est un simple roturier, qui a mis quatorze ans plus tôt sa vie en jeu pour sauver celle de l'écrivain. Aujourd'hui, il lui demande des comptes : qu'a-t-il fait de ces quatorze ans de sursis ? Karen Blixen pose aussi implicitement la question de la postérité : que retient-on d'un auteur, son oeuvre, sa vie ? Cette nouvelle apparaît comme une démonstration que l'auteur, à son tour, peut devenir le personnage d'un tout autre récit que le sien.
Plus dramatique est Le gros homme. Le titre de la nouvelle n'est pas sans faire rappeler le personnage de l'ogre, puisque ce gros homme a assassiné une petite fille. Christophe, un jeune étudiant, est persuadé de connaître le coupable et prépare un piège pour le confondre. Pour cela, il exploite sans le savoir le même thème du double que dans la nouvelle précédente, puisque c'est une petite fillle exactement semblable à la petite victime qu'il mettra en présence de son suspect.
Les chevaux fantômes est la dernière nouvelle. Elle est aussi la plus émouvante. A l'égoïsme et à la frivolité de la mère, s'oppose la gravité de sa petite fille âgée de six ans, qui se laisse mourir. Seul son oncle, qui a été appelé pour rester au chevet de la fillette pendant que sa mère est à Paris (et apprécie tant son séjour qu'elle n'a pas envie de rentrer dans sa belle demeure familiale qui menace ruine), comprend les origines de sa maladie.Leur empathie, leur capacité d'imagination et de voir la valeur réelle des choses (et non leur valeur pécuniaire) rend cette nouvelle très touchante.