Je me suis inscrite aujourd'hui au challenge le règne de Louis XIV sur le blog d' Eliza. Pour celles et ceux qui me rendent visite le blog de Nunzi, vous devez savoir que les félins ne sont pas épargnés. J'ajoute que j'ai été à deux doigts de rédiger un billet d'humeur (et je n'exclus pas de le faire) sur un tout autre sujet. Mais s'énerver n'est bon ni pour ma santé, ni pour celle de mes chats, alors place à la musique.
Après vous avoir présenté Alceste, la seconde tragédie-ballet écrite par le duo Jean-Baptiste Lully/Philippe Quinault, je vous présente leur oeuvre ultime : Armide, représentée pour la première fois le 15 février 1686. Bien que Louis XIV ait choisi le sujet de l'oeuvre, inspiré de la Jérusalem délivré du Tasse, il n'assista à aucune représentation d'Armide.
Cette oeuvre comporte, comme Alceste, un prologue et cinq actes. Le prologue voit la Gloire et la Sagesse se disputer les mérites de Louis XIV (la Gloire était déjà présente dans le prologue d'Alceste). Mais avant ce prologue, retentit la sublime ouverture d'Armide :
L'acte I voit le triomphe de la magicienne. Elle a capturé les chevaliers chrétiens. Au beau milieu de la fête, Aronte, qui devait ramener les chevaliers capturés, est gravement blessé. Il vient avertir la magicienne : "un guerrier indomptable les [captifs] a délivrés tous". Il s'agit de Renaud. Armide jure de "poursuivre jusqu'au trépas l'ennemi". La musique de cette acte est particulièrement martiale.
L'acte II nous montre le camp de Godefroy, donc Renaud vient d'être banni. Il est mis en garde contre les charmes de la magicienne Armide, il n'en a cure. Il s'endort dans un paysage paisible mais très vite, des visions cauchemardesques viennent le hanter. Armide apparaît, veut le tuer, n'y parvient pas : elle est tombée amoureuse de Renaud. Cette air est absolument sublime, surtout par la lucidité terrible d'Armide :
"Puisqu'il n'a pu trouver mes traits assez charmants
Qu'il m'aime au moins par mes enchantements.
Ou s'il se peut, je le haïsse".
Je sais que la version de Gluck est souvent préférée. Pour ma part, j'adore Lully, et il serait difficile de me faire changer d'avis à son sujet. Puis, quel besoin de choisir ? La musique se moque des classements.
A l'acte III, Armide se désole : Renaud ne l'aime pas sans enchantements. Ses suivantes la supplient de se résoudre à le haïr. Armide convoque alors la Haine, mais la chasse, ne pouvant céder à ce sentiment : elle aime trop Renaud. La Haine l'avertit :
'tu me rappelleras, peut-être dès ce jour, mais ton attente sera vaine".
La scène de la Haine est un véritable morceau de bravoure, à ne pas rater.
Acte IV : les amis de Renaud le recherchent. Ils sont victimes d'enchantements, mais parviennent à s'en libérer. Cet acte est celui que j'écoute le moins,sans doute parce que sa leçon de morale est qu'il faut préférer la gloire à l'amour. En gros, faites la guerre, pas l'amour.
Acte V : si je schématisais, je vous dirais que les deux amis de Renaud le retrouvent et le délivrent. Il quitte Armide. La magicienne reste seule, sans pouvoir haïr Renaud, toute à sa douleur. Sauf que cet acte contient une des pages les plus magnifiques de la musique : la Passacaille. Je vous laisse l'écouter, par Christophe Rousset et les Talents lyriques.
Après cet oeuvre, Philippe Quinault cessera d'écrire. Lully mourra un an plus tard.
Note : les citations littéraires sont faites de mémoire.